Page 4 - Journal de Peera - Sainte Catherine, le 15 mai 1764
Ellen, ma voisine de chambre - ou de "cellule" devrais je dire - a eu tout comme moi 18 ans cette année. Nous nous étions promis de passer une nuit, la première de notre vie, au-dehors de Sainte Catherine. Nous ne pensions pas alors, que cette nuit là, aurait pu être la dernière. Nous avions tout préparé soigneusement sauf cela.
A 19h30, lorsque nous avions toutes terminé de souper, après une dernière prière - au pied du lit - les soeurs éteignaient les lampes et allaient se coucher.
Ellen et moi avions remarqué qu'à 20h très précisément, "chaque soir que dieu fait", Mère Aubépine cachetait son dernier courrier. Si cette constance nous intriguait, car nous serions incapables d'une telle régularité, elle nous rassurait sur un point: à 20h10, la voie serait libre.
Ellen et moi sommes sorties de nos chambres et avons dévalé sur la pointe des pieds les escaliers de pierres jusqu'au rez-de-chaussée. Nous avons pris le couloir gauche, celui qui longe la cour intérieure, jusqu'aux cuisines.
Le réfectoire était sombre, mais la lune éclairait juste assez pour que nous puissions nous faufiler entre les tables sans se cogner et sans faire de bruit.
La vieille pendule à rouage mécanique indiquait 20h20. Il nous restait alors à franchir deux couloirs, quatre portes et un muret pour que les nuits de Calcutta s'offrent à nous.